La semaine dernière, Jean Claude Bilana directeur du Cabinet de Communication Idées Neuves et Jacques Elimbi adjoint du directeur marketing à la SABC, ont été confrontés au sujet de l’utilisation du slogan "Yes We Can" par les entreprises camerounaises. Voici mon analyse, à vous de décider !
Pour mieux comprendre, il faudrait commencer par définir ce que c’est qu’un slogan. Un slogan est une phrase simple, répétitive et facile à retenir. Il est souvent utilisé pour exprimer une idée ou un objectif, stimuler une action ou susciter une croyance, attirer l’attention sur un aspect du produit. Il peut être breveté et transformé en marque commerciale ou marque déposée.
Selon Jean Claude Bilana : C'est une erreur professionnelle
« (…) Le fait n'est même pas de vendre le slogan, c'est la façon de décliner ce slogan. Il faut écrire « Yes we can » en mettant des guillemets et en écrivant la référence en bas de l'affiche (…)
Cela peut être une erreur et/ou une panne d'inspiration. C'est-à-dire qu'on veut capitaliser sur l'effet de cet homme et il faut vite faire parce qu'il peut chuter dans les sondages. Professionnellement, il y a quelques légèretés qu'on peut comprendre mais qu'on peut aussi corriger.(…)
Cela revient à se demander si tous les créatifs de la République étaient en panne d'imagination, si les annonceurs qui doivent valider leur copie-stratégie,
n'ont pas pu le faire, s'il y a un réel problème par rapport aux créateurs eux-mêmes… Il y a une erreur dans l'utilisation et une autre dans la déclinaison.(…) »
« (…) il s'agit de garder les Camerounais dans l'espoir que les Lions indomptables peuvent gagner la Can et pourquoi pas, la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. Nous savons que les Camerounais ont apprécié un rêve qui s'est concrétisé, raison pour laquelle nous avons utilisé cette phrase célèbre »
« (..)En matière de communication, c'est difficile de trouver des phrases simples et courtes qui exprime l'idée qu'on veut faire passer ou qui résume toute une pensée". Alors, "pourquoi aller chercher un autre slogan quand deux personnes se disent "Yes we can" et qu'ils se comprennent ? On a voulu utiliser un terme que les gens comprennent vite, et qui véhicule notre pensée »
Sur le plan éthique
La SABC utilise le slogan « Yes We Can » pour profiter de la notoriété et l’expérience de Barack Obama. Mais si vous utilisez la notoriété ou les accomplissements de quelqu’un pour faire du profit, n’est-il pas juste de les partager avec elle ? En d’autres termes n’est-il pas juste de lui payer des droits patrimoniaux ?
Certains ont dit que ce slogan n’est pas breveté, et peut être utilisé sans danger. Cela vous amène à vous demander, si en l’absence de réglementation, l’éthique devrait-elle perdre sa valeur ? Certainement pas, et c’est pourquoi l’utilisation de ce slogan par la SABC et les autres entreprises dans les circonstances actuelles n’est pas éthique.
Sur le plan marketing
Le slogan est un élément important du positionnement. Ce que l’on pense de votre slogan a des répercussions sur ce que l’on pense de votre produit. Imaginons que les lions indomptables gagnent la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). La « 33 Export » restera ce qu’elle a toujours été : Le support numéro un du football en Afrique. En d’autres termes, elle ne gagnera rien en termes de positionnement.
Maintenant imaginons que les lions ne gagnent pas la CAN, le slogan « Yes, We Can » peut très vite être transformé en « No, We Cannot ». Au cas échéant, la « 33 export » pourrait être perçue comme la bière des perdants. On voit bien qu’en terme de positionnement la SABC a tout à perdre et rien n’à gagner en choisissant d’utiliser ce slogan.
La SABC d’après M. Elimbi, utilise ce slogan par ce qu’il est difficile de trouver mieux. Ok, on n’arrive pas à résoudre un exercice alors on copie chez le voisin. Êtes-vous d’accord avec ça ? Enfin, je veux dire que le mimétisme est la stratégie des suiveurs, les leaders innovent . Et quand ils copient, ils le font intelligemment, Pas « Yes We C.A.N », voyons soyons sérieux !
La SABC n’opère pas seulement au Cameroun, et son produit ‘33’ Export est consommé dans de nombreux pays en Afrique. Certains de ces pays sont également qualifiés pour la Coupe d’Afrique des Nations. En disant « Yes We C.A.N », la SABC est donc en train de faire la même promesse à des protagonistes. Ce slogan risque de devenir « No, We Cannot » pour les pays qui auront perdu. Le cannibalisme de son positionnement est inévitable.
Sur le plan de la stratégie compétitive
Le slogan est un élément de différenciation. Par conséquent, il doit être distinctif. Si la ’33 export est « Yes We C.A.N » et que l’ « Odontole » est « Yes We Can » on se pose la question de savoir qui est qui?. La SABC a clairement choisi de quitter la première division pour aller jouer en troisième division. Vous comprenez donc quand Jean Claude Bilana parle d’erreur professionnelle !
Sur le plan légal
Selon le quotidien Mutations, les brasseries du Cameroun soutiennent que :
« On ne peut pas parler de droits d'auteurs dans la mesure où ce slogan ne peut être breveté »
Cette affirmation doit être réexaminée car voici une liste de slogans similaires qui ont été brevetés auprès de l’United States Patent and Trade Office(USPTO) le bureau Américain des brevets et des marques de commerce. Et voici des textes (voir p-87) de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) où nous pouvons retrouver les signes qui peuvent être admis pour l’obtention d’un brevet. Toutefois, le « Yes We C.A.N » de la SABC bien que problématique, semble ne pas avoir été breveté.
La SABC est l’une des meilleures entreprises du Cameroun et le leader de son secteur. Elle regorge de nombreux talents. Mais en décidant d’utiliser ce slogan, elle a fait preuve d’une légèreté professionnelle qui n’est pas du tout caractéristique de sa façon d’opérer.
Elle a par la même occasion dévalué les compétences des créatifs de la République Camerounaise, car en choisissant de copier, elle insinue qu’ils n’ont pas été capables de faire mieux.
Pour revenir à notre question de départ, suis –je pour ou contre l’utilisation de ce slogan par la SABC ? Vous l’avez certainement déjà deviné, je suis contre. Quel est votre opinion?
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Sources : (1) Le quotidien Mutations, (2) United States Patent and Trade Office (3) Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
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