G TV : quand la stratégie fait honte à l’opérationnel

Par Georges Mani:

Les attentionnés de l’agitation publicitaire des villes de Douala et Yaoundé au Cameroun ne sont pas restés insensibles face à la présence médiatique d’un operateur de la distribution d’images exclusive de satellite : GTV.

Détenu par la Gateway Broadcast Services, basé à Londres, GTV arrive sur le marché camerounais, à un moment où la distribution d’image par satellite connait un essor fulgurant. Pour preuve, l’Etat à travers le MINCOM s’est décidé à réglementer l’activité en accordant des licences de distribution à celles qui respecteraient les conditionnalités d’entrées, mettant hors la loi, les câbleurs informels.

C’est dans cet environnement juridique plutôt favorable à l’investissement, que GBS décide de lancer ses activités au Cameroun. Avant toutes choses il faudrait comprendre quels étaient les différents protagonistes sur le marché.

Les différents protagonistes
Canalsat horizons, c’est le savoir faire français en audiovisuel, 20 ans de présence sur le marché camerounais, 30. 000 abonnés, une moyenne de 125 abonnés /mois, des tarifs sélectifs, avec derrière elle, une situation de quasi monopole pendant de nombreuses années.

GTV c’est l’expérience européenne anglo-saxonne, qualité comparable, mais positionnement grand public avec des tarifs d’abonnement attractif (des options à 5000Fcfa/mois), 60 abonnés /mois en 2008 et des prévisions de 12500 abonnés fin 2009, tout ceci en moins de 2 ans d’opérations commerciales.

Stratégie de communication
Pour pénétrer le marche Camerounais GTV a utilisé une stratégie de communication en amont et une autre en aval.
Avant le lancement officiel du produit l’entreprise s’est engagée dans une campagne de teasing qui, selon les professionnels de la communication était assez bien structurée.

Apres la campagne de teasing, le produit a été dévoilé avec un plan médiatique très complet : une couverture nationale pour donner du poids à la marque et la crédibiliser dans les habitudes des consommateurs urbains et ruraux et l’utilisation de l’ensemble des principaux supports médiatiques.

En aval, l’entreprise a opté pour une stratégie push. Elle a mis en place un programme de vente itinérant, couplé à un Streets marketing : l’enjeu étant d’atteindre d’éventuels rescapés de la cuvée médiatique.

Quelques points de vente propre sont prédéfinis avant lancement, et au fur et à mesure du développement du business, des franchises de distribution apparaîtront. Une administration des ventes, et c’est fait, GTV se vend.

Reaction de la concurrence
La stratégie de communication a été si bien ficelée, qu’elle a suscité un engouement commercial. Canalsat horizons voyant sa part de marché s’égrainer, et la menace continuer, va lancer un nouveau bouquet dans l’espoir de contrer la concurrence.

Sa campagne du bouquet à 5000Fcfa /mois lancée en décembre 2008 était donc l’illustration de la gêne commerciale créée par l’offre GTV. Mais les ambitions de la GTV vont bien au delà du simple partage du marché de la distribution d’images : Elle s’attaque à l’exclusivité de diffusion locale et signe une convention exclusive avec la FECAFOOT.

Le contrat avec la FECAFOOT va donc sonner l’alarme et rendre la concurrence effective. GTV était désormais le concurrent direct de Canalsat horizons, du moins, dans la perception du consommateur.

Les erreurs de la stratégie commerciale
Alors que la stratégie de communication a été un succès, on ne saurait en dire de même de la stratégie commerciale. L’équipe commerciale n’était pas au mieux de ses capacités : des commerciaux au statut de temporaires pour booster les ventes, des points de franchise de distribution au mauvais endroit Douala comme Yaoundé, les supports à l’action commerciale pas du tout disponibles, autant de problèmes de réglages qui empêchent de se rapprocher des objectifs mensuels, très ambitieux.

L’arrêt des activités
C’est dans cet engouement commercial que l’on apprend la faillite de GTV. La raison évoquée est la faillite de la banque qui finance l’entreprise. Une tentative de reprise par canalsat horizons est même annoncée mais hélas, on n’a pas pu sauver l’entreprise. Résultat, beaucoup d’abonnés avec des installations, sans images, un personnel au chômage, bref, un mort né.
L’utlime responsable de l’echec
A qui donc la faute ? entre les financiers qui s’amusent à faire des placements non judicieux qui entraine inéluctablement à la banqueroute, et une équipe de vente opérationnelle prête à donner la pleine mesure de sa connaissance du marché pour asseoir un produit nouveau et assurer son développement optimal, dans un environnement concurrentiel très biaisé, il y’a matière à penser que l’un a trahi l’autre.

L’essentiel pour la stratégie commerciale, c’est d’avoir compris le marché camerounais, d’avoir développé un plan d’action push pour développer les ventes malgré les limites, d’avoir donné de la consistance à l’entreprise en terme de résultats. La gifle de la faillite fait mal, mais elle a le don aussi de réveiller les esprits, car ceci est un appel à beaucoup de prudence.

4 commentaires:

Alain S said...

Merci Georges de nous faire revivre la faillite de cette entreprise dont l'avenir s'annonçait plutôt prometteur.

C'est vrai que leur campagne de communication a été assez exceptionnelle, toutefois je pense qu'ils sont allez un peu trop vite. Vouloir attaquer le marche national tout un coup était a mon avis au delà des bornes raisonnable de l'ambition.

En plus la raison avancée pour justifier la faillite, dénote a mon avis d'un certain amateurisme: Comment peut-on s'engage dans un projet d'une telle envergure, sans avoir sécurisé les fonds nécessaires pour l'accomplir?

Nouss said...

Hello Georges
Super cet article,
loin ici je n'ai jamais su que GTV eut existé!
J'espère que la même chose n'arrivera pas à RINGO, avec comme concurrents Orange, MTN et Camtel!

Anonymous said...

Bon article Georges
Je retiens que la strategie de penetration du marche a ete bonne mais que ce sont les finances qui ont fait defaut.
un constat s'impose : les entreprises anglo saxones maitrise mieux le marche camerounais lorsqu'elle s'implante au point de donner des insomnies aux entreprises francaises souvent implante longtemps avant eux (le cas MTN en est une autre illustration)
Pour en revenir a la faillite il appert que les activites etaient finances de Londres, vu que localement y'a pas de faillite averee. cette hypothese ne me convainc pas. A mois que la maison mere ait aussi fait faillite
je penche plutot pour des camerounais qui ont ouvert GTV en franchise et qui ont eu des problemes avec la caisse. on se connait au pays des que le business marche un peu on se croit deja pacha.
En ce qui concerne canal en tant que compagnie francaise je la voie mal entrain de faire propagande de la culture anglosaxone

pour finir je pense pas que la finance ait trahi le commercial. l'un et l'autre ont coule le systeme. les financiers ont reconditiones les actifs toxiques les commerciaux les ont distribues

Arsene Tatieu

Georges MANI said...

Merci infiniment pour vos analyses et commentaires. Deux fonctions sont ici mis en exergue : le commercial au front office et la finance au back office. les hypothèses dressées pour expliquer les raisons cachées de la faillite sont justes. Il nous revient à nous scientifique de les vérifier et d'arriver à une synthèse, même si l'information, la vrai ne circulerait pas aussi facilement, Arsène en sait quelque chose...

Pour finir, je reste optimiste, Nouss, car les erreurs du passé nous aide à mieux nous canaliser dans le futur. RINGO est un produit qui a compris l'environnement et veut saisir l'opportunité du marché télécom camerounais en phase de croissance. Camtel a échoué dans le secteur de la distribution de ses services. Ringo a choisi le service internet, et veut l'exclusivité. Aujourd'hui c'est le 1er client de Camtel (1 milliards de Fcfa / an payé à Camtel) et aujourd'hui assure son développement sur le triangle nationale (ils recrutent même en ce moment) et prépare son entrée dans la téléphonie mobile (j'espère ne pas trahir un secret). Bref, de belles perspectives s'annoncent dans la structuration de l'économie camerounaise, ceci commençant par l'organisation dans les secteurs comme les télécoms, où chaque intervenant occupera sa place, et le consommateur en bénéficiera et le marché ne donnera que le meilleur. C'est ce que je souhaite.

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